Être un Créateur ou un Entrepreneur, faut-il vraiment choisir ??

Être un Créateur ou un Entrepreneur, faut-il vraiment choisir ??
Photo Le Progrès / Philippe VACHER

Au début du mois d'avril j’ai participé au Défi Briques, un challenge de publication de contenu organisé par Kilian Talin et Valentin Decker. Au début du challenge, Valentin exposait dans un post Linkedin à quel point les deux approches Entrepreneur ou Créateur pouvaient être différentes voire carrément opposées.

  • D'un côté l’entrepreneur pense ROI, stratégie, cherche à profiter des opportunités et peut accepter de faire des choses qui ne le motive pas s’il y a quelque chose à gagner.
  • De l’autre, le créateur est un artiste qui ne fait que ce qui le motive et l'inspire, se concentre uniquement sur sa création et le plaisir qu’il y trouve, sans se préoccuper ou presque des résultats.

Dans le cadre du défi, il nous invitait plutôt à “choisir un camp” : et toi, tu es plutôt un entrepreneur ou un créateur ?

J'avoue que j’ai toujours du mal avec les schémas qui enferment les gens dans des cases, encore plus quand il s’agit de visions très binaires et polarisées comme ici. Je ne crois pas que l’on puisse être 100% créateur et 0% entrepreneur (ou l’inverse). Ni même que ce soit vraiment souhaitable…

Mais à vrai dire je ne pense pas que ce soit l’avis de Valentin non plus ;-)

Comme il l’explique dans un article beaucoup plus détaillé et nuancé sur son blog, cette opposition (volontairement) un peu exagérée entre Entrepreneur et Créateur a ses avantages lorsqu’on la regarde comme un “modèle mental”.

Elle permet de mieux se situer. C’est une sorte de grille de lecture qui permet de savoir où tu en es et ce que tu veux faire : quelles actions privilégier, quelle attitude adopter.

En forçant un peu le trait, cela permet également d’identifier les angles morts et les pièges lorsque tu pousses trop loin le modèle et que tu tombes dans la caricature du personnage.

# Un curseur progressif plutôt qu'une approche binaire

Plutôt qu'un choix binaire entre les 2, l’idée qu’il développe dans l’article et que je partage serait plutôt de voir ce sujet comme un axe avec les 2 approches Créateur / Entrepreneur de chaque côté.

La question devient alors de savoir à quel niveau tu veux placer le curseur, en prenant conscience que cette position peut évoluer. Afin de profiter des avantages d’une approche sans tomber dans les pièges qui vont avec.

Avec la tête de Valentin sur le curseur c'est assez drôle ;-)

Par contre, là où cette grille de lecture manque peut-être un peu de profondeur et de finesse à mon goût, ce sont les différentes échelles à laquelle on peut l’appliquer et les variations nécessaires en fonction de ces échelles.

Il y a évidemment l’échelle du temps et la notion de saisonnalité qui est importante. Il est possible - et souvent souhaitable - de faire évoluer le curseur en fonction de l’avancée d’un projet ou d’un changement important de contexte.

Mais il y a aussi d’autres échelles plus subtiles à prendre en compte : micro (un contenu orienté entrepreneur ou créateur), macro (une vie d’entrepreneur ou de créateur) et toute la diversité qui vit entre les 2.

Que ce soit pour un contenu en particulier, une stratégie de contenu trimestrielle, un projet de contenu sur plusieurs années (ou n’importe quel type de projet créatif ou entrepreneurial), où même dans sa vie de manière plus générale, il est possible non seulement d’alterner, mais aussi de combiner les 2 approches en fonction des moments et des sujets.

Prenons quelques exemples pour illustrer ça.

Si mon projet de contenu ici semble plutôt orienté créateur, cela ne m’empêche pas d’effectuer régulièrement des actions de type entrepreneur, comme quand je décide de payer pour une plateforme de publication (Ghost) ou pour un Bootcamp sur l’écriture proposé par… Valentin lui-même ;-)

Ou encore plus parlant, quand je fais un article approfondi sur un sujet qui me passionne (pourquoi et comment faire son bilan annuel personnel) et que je me permets d'y inclure le fait que j’organise un atelier d’accompagnement professionnel dédié à ce sujet dans les jours qui suivent.

J’ai beau écrire pour le plaisir intrinsèque du créateur qui est en moi, je n’en espère pas moins un certain “ROI” cher à mon côté entrepreneur.

Ce faisant, je combine les 2 approches dans quelque chose d’un peu hybride. Et c’est là que je me retrouve parfois au milieu de l’axe.

Valentin recommande d’éviter cette situation où on serait, je cite, “exposé aux dangers de chaque modèle sans profiter des bénéfices”.

🤔
Peut-être serait-ce pour cela que je rencontre certaines difficultés dans mon projet de contenu ? 

Bien que la question me taraude encore, pour le moment je ne suis pas totalement d’accord avec ça.

Et je n’ai pas pu m’empêcher d’y réagir, d’autant plus que j’utilise exactement la même expression que lui dans mon dernier essai sur le thème de la radicalité et de la nuance, en expliquant pourquoi de mon côté je suis “presque heureux d’être ainsi si le cul entre 2 chaises”.

Tout d’abord je pourrais tout aussi bien affirmer qu’au milieu de l’axe, on peut bénéficier des avantages des 2 modèles tout en évitant les risques !

Mais en réalité, en prenant un peu de recul, ce qui me paraît beaucoup plus logique c’est que si tu es pile au milieu, tu n’es exposé ni aux risques, ni aux bénéfices de ces 2 approches. Tu te retrouves un peu dans le “ventre mou”, dans le statu quo de ta zone de confort.

Ce n’est donc pas une position forcément souhaitable, mais pour comprendre pourquoi elle me convient bien il faut pouvoir faire la distinction entre approche comportementale et trait de caractère. J’explique cela en détail dans la conclusion juste après.

Mais avant cela je voulais soulever le fait que cela marche aussi dans le sens inverse. Quand je suis en mode entrepreneur comme c’est le cas pour mon projet de coaching professionnel par exemple, cela ne m’empêche pas non plus d’être créatif et d’essayer de faire des contenus inspirants ou originaux.

Bon je ne suis peut-être pas le meilleur à ce jeu-là, j’en conviens !

Mais comme plusieurs commentaires l’ont relevé dans son post sur Linkedin, il y a tout de même pas mal d’entrepreneurs qui fonctionnent en suivant leur passion créative et qui produisent des choses innovantes.

Pour certains, l’entrepreneuriat inclut même obligatoirement une certaine forme de créativité !

Ces personnes assument se positionner au milieu de l’axe et revendiquent ce côté 50/50. Elles sont à la fois créatrices et entrepreneuses. On pourrait dire des “Entrepreneurs créatifs”.
Tout comme il y a aussi des créatifs très entreprenants.

À nouveau, je ne pense pas que ce que j'exprime ici soit en opposition à l’analyse de fond proposée par Valentin. Il aborde juste le sujet via un angle différent, et il explique que lui-même passe par différentes phases dans son projet entrepreneurial, dont l’origine est avant tout une aventure créative.

Ce qui m’a plutôt marqué je l’avoue c’est comment la nuance et la subtilité qui sont présentes dans l’article semblent un peu disparaître dans le post sur Linkedin.

Mais c’est probablement parce que je cherche à me rassurer sur un point qui me tracasse pas mal en ce moment, à savoir qu’il est difficile d’aborder en profondeur des sujets complexes sur les réseaux sociaux... typiquement j'avais commencé à écrire cet article en pensant le publier sur Linkedin, mais j'ai rapidement dû revoir ma copie.

On y est fortement limité : par le nombre de caractères déjà, par la course à l’attention de l’audience, par ce besoin de faire simple et un peu clivant pour que ça marche et que ça plaise aux algorithmes...
Ou aux personnes qui recherchent surtout du "Snack content" à consommer rapidement entre 2 réunions ou avec le café du matin.

Cela se fait souvent au détriment de la nuance et de la subtilité.

Je n'échappe pas à cette règle à laquelle je me suis soumis pour certains de mes posts, et c'est un de mes apprentissages du Défi Briques. Mais quelque part ça me rassure de voir que cela vaut aussi pour des écrivains modernes et talentueux comme Valentin ;-)

Mais alors, possible ou pas possible de s'épanouir au milieu de cet axe ??

# Subtile différence entre approche comportementale et identité

C’est peut-être une déformation professionnelle, mais la subtilité qui me marque ici c’est que la sémantique utilisée fait référence à ce que l’on peut considérer comme un trait de caractère, voire presque à une “identité” : ÊTRE entrepreneur / ÊTRE créateur.

Or, à l’échelle de l’individu, je pense qu’il est tout à fait possible de combiner les deux et d’être aussi bien entrepreneur que créateur. Il n’est pas forcément nécessaire de choisir.

Je pourrais te citer tous les nombreux entrepreneurs créatifs à succès qui illustrent bien cela, mais je n’ai pas envie de tomber trop facilement dans le #namedropping, je réserve ça pour ma stratégie LinkedIn (un peu d’humour cynique ne fait pas de mal 😇).

Là où le modèle marche beaucoup mieux selon moi, et invite à assumer des choix temporaires plus marqués mais aussi plus pertinents, c’est dans le cadre d’un projet ou d’une activité, quel que soit le domaine. On parlera alors plutôt d’une APPROCHE créative ou d’une approche entrepreneuriale. Cela n'a plus rien à voir avec qui l'on est.

Je crois que ce qui m’a poussé à vouloir affiner ce sujet ici est lié à ce sentiment diffus qu’on a parfois tendance à sous-évaluer les notions d’être vis-à-vis du faire ou de l’avoir. Il me parait important de ne pas les confondre et de leur donner à chacun la place qui leur incombe.

Une fois cette distinction clarifiée entre trait de caractère et approche comportementale, il me paraît plus facile de faire pencher sereinement la balance d’un côté ou de l’autre sans avoir l’impression de renier une partie de son identité au passage.

Il est alors tout à fait possible d’être un entrepreneur qui utilise une approche créative et inversement, voire de combiner l’ensemble.

Le curseur unique de départ se transforme alors plutôt en une grande table de mixage avec de nombreux arrangements possibles, ce qui me paraît plus proche de la réalité quotidienne à laquelle chacun fait face dans ce genre de situation.

Table de Mixage - Photo by James Kovin on Unsplash

Où on peut parfois pousser un peu le volume de certaines fréquences (ici des actions ou attitudes) tout en maintenant une rythmique et une harmonie musicale d’ensemble (ton identité).

Tout est dans le juste équilibre ;-)

Alors ce que je te propose comme grille de lecture, c’est plutôt de voir tout ça du point de vue du chef d’orchestre et de trouver la bonne mélodie pour ton projet. Et pour ta vie en général.

Bonne composition à toi ! 🎶