Ecrire le livre de sa vie

L'écriture est probablement une des compétences les plus sous-évaluées du moment ! Elle est pourtant un socle de base pour mieux penser et comprendre le monde.

Ecrire le livre de sa vie
Photo by lilartsy / Unsplash

Alors que dans ma tête tourbillonne un million de sujets par lesquels je pourrais démarrer sérieusement ce projet de contenus, l’évidence me saute tout d’un coup aux yeux :

L’écriture !

C'est une merveilleuse illustration de beaucoup de concepts dont je vais te parler ici. L'écriture est pour moi à la fois une passion, et une frustration. Un moyen et une fin. Une belle métaphore de la quête de sens aussi : comment écrire le livre de sa vie !?

Quel meilleur sujet pour initier ce qui sera à la fois un espace d'explorations, de débats, de points de vue et de désaccords ... mais surtout, je l’espère, d’avancées collectives qui sera aussi un de mes sujets de prédilection ??
Mais j’y reviendrais plus tard.

Y revenir plus tard : voilà bien un des bénéfices de l’écriture !

On peut y revenir … retrouver des anciennes réflexions ou des informations importantes. Se rendre compte qu’on a changé d’avis et reformuler les choses, ou bien réaliser qu’on ne tient pas certaines de ses promesses !

C’est beaucoup plus compliqué sans l’écrit ! Car si notre cerveau est une véritable "fontaine à idées", il n'est pas très efficace pour les conserver ...

Que ce soit dans une discussion engagée avec un ami, ou dans une réflexion intérieure profonde, est-ce que tu t'es déjà dit : “Je n’ai pas pu creuser le sujet jusqu’au bout, mais c'est pas grave j’y reviendrais plus tard”.

Quelles sont les chances de ne finalement jamais y revenir ou de simplement ne pas s’en souvenir ? ou d’y revenir en ayant oublié les 3/4 de ce que tu pensais sur le moment ?

// Souvenirs

C’est une des raisons qui m’a personnellement poussé à l’écriture. Il faut dire que j’ai une mémoire un peu sélective.
Le Problème : ce n’est pas toujours moi qui fais la sélection ! En tout cas pas de manière consciente …

Il m’arrive parfois d’oublier des évènements ou des informations pourtant importantes de ma vie : le prénom d’un cousin, la rencontre de certaines personnes (mais qui est Clothilde ?), l’année d’un voyage marquant ou les détails d’une discussion existentielle pourtant très intéressante.

Alors que je peux toujours citer le théorème de Pythagore par coeur ou certaines répliques de film que j’ai vu il y a plus de 15 ans et dont l’intérêt s’approche pourtant du néant dans ma vie … (“La marche des vertueux est semé d’obstacles …” – PulpFiction)

Écrire me permet en quelque sorte de combler les aléas de ma mémoire et de mes réflexions, en gravant dans le marbre les évènements et informations majeures dont je veux me souvenir.

Et tu sais quoi : c’est doublement bénéfique !!

  1. Ca me donne la possibilité de retrouver dans mes écrits des choses dont je ne me souvenais pas clairement.
    > Ca m'arrive ponctuellement, et c'est souvent d'une grande richesse pour rester lucide sur le passé et limiter la capacité que nous avons à "réécrire l'histoire" d'une façon qui nous arrange !
  2. Avec le temps, je me suis rendu compte qu’en réalité je retourne assez peu sur mes écrits les plus importants. Tout simplement parce qu’il est clair que, pour moi, le simple fait d’écrire les choses m’aide également à bien mieux … m’en souvenir !
Verba Volant, scripta manent

Les paroles s’envolent, les écrits restent

Écrire permet également une prise de recul sur les choses. Un approfondissement de la réflexion, en même temps qu’une structuration de la pensée.

// Écrire pour affiner sa pensée

Il m’arrive parfois d’imaginer ou de penser des choses, mais lorsque je les pose par écrit, je réalise que cela sonne faux ou que ce que je pensais était incomplet ou désordonné.

J'ai souvent un mode de pensée qu'on appelle "en arborescence" qui me fait sauter d'une idée à une autre, fusionner 2 concepts puis les déconstruire en 3 autres idées, avant de me perdre dans une fausse route et revenir au présent avec un souvenir un peu flou de ce qu'il vient de se passer 😅.  

Les méandres de la pensée arborescente

J'ai appris à accepter et même à apprécier ce fonctionnement, mais comme tu t'en doutes lorsqu'il s'agit de traduire tout ça en quelque chose de réellement concret et utilisable, c'est un peu compliqué.

Écrire nécessite justement un processus intellectuel - qui malheureusement se perd - permettant de clarifier et d'affiner ses pensées :

  • Premières réflexions => C'est le brainstorming initial
  • Recherches – explorations sous plusieurs angles d’approches => on s'ouvre à d'autres points de vues et opinions. On améliore sa connaissance globale du sujet
  • Première écriture => prise de position personnelle sur le sujet
  • Relecture => C'est une étape clé. On fait le tri des bonnes et mauvaises idées, on peaufine, on améliore. C'est souvent à ce moment là qu'on réorganise sa pensée en quelque chose de plus structuré et de plus clair ! (C'est ce qui m'a permis de faire cette bullet list d'ailleurs 😉)
  • Et en option, partage => On s'engage sur sa position et on la partage à l'extérieur !
    Cela peut entrainer tout un nouveau cycle de réflexion grâce aux échanges de point de vue avec d’autres. C'est aussi le moment de la prise de recul et de l'identification des angles morts. Ca permet soit de faire évoluer son point de vue, soit de le renforcer pour l'avenir.
👉
Bien sur les étapes ne sont pas toujours dans cet ordre là, et on peut parfois en sauter quelques unes. 

Tout cela nécessite évidemment des efforts et un temps long, une notion qui tend malheureusement à être de plus en plus difficile dans nos styles de vies. Et autre sujet sur lequel je ne manquerais pas de revenir ...

Mais c’est aussi un gage de qualité dans la réflexion

C'est pour moi un des effets secondaires néfastes de l'accélération du temps et de l'ère de l'instantanéité que nous vivons : il est de plus en plus tentant de passer de la 1ère étape à la dernière en sautant tout le processus de réflexion !!

Ce qui nous donne ce bruit de fond permanent et de mauvaise qualité qu'on retrouve souvent sur les réseaux sociaux, voir même sur certaines chaines de télévision 😔
Et je ne te parle même pas des biais cognitifs (ce sera l'objet d'un prochain article détaillé !). Mais je m'égare (là tu vois la pensée arborescente à l'oeuvre !).

Evidemment quand il s'agit de partager une recette de cookies ou une balade en montagne, cela ne pose pas trop de soucis. Mais quand c'est un sujet polémique ou politique, c'est plus embêtant ...

⚠️
C'est le moment où je précise que tout ne doit pas passer au filtre de ce processus bien heureusement ! Il faut aussi se sentir libre d'écrire et de laisser les choses se faire sans tomber dans l'over-thinking. Crois-moi je suis bien placé pour le savoir ;-) 
Comme souvent, tout est dans l'équilibre, et les choix qu'on fait sur tout ça.

// Mon petit carnet d'écriture

Aujourd’hui écrire fait partie de ma routine – que je me suis créé sur-mesure – et j’écris de plus en plus.

Je n’étais pourtant pas forcément “pré-disposé » : en tant que gaucher, à une époque où l’on utilisait encore des stylos à encre à l’école, écrire a commencé par un choix cornélien entre se tordre le poignet ou attendre que l’encre sèche pour ne pas "baver" et faire de l’art plastique en avance !

Credits: @NicolasThomas on Unsplash

Écrire était une véritable épreuve pour moi, tout comme la lecture d’ailleurs ! Alors qu’aujourd’hui il ne se passe pas une semaine sans que j’écrive, et pas un mois sans un nouveau bouquin.

Comme quoi les choses ne sont pas immuables et tout le monde peut se mettre à écrire, et à n’importe quel âge.

Je me souviens très bien du moment où j’ai couché sur le papier mes premiers “écrits”. C’était en 2004, dans ma petite chambre d’étudiant à Coventry, petite ville triste du centre de l’Angleterre.

Dans les mois précédents j’avais eu mes premières discussions vraiment intéressantes et existentielles. Beaucoup de choses se bousculaient dans ma tête !

J'ai pris conscience que toutes ces réflexions risquaient de s’évaporer dans les méandres d’une mémoire défaillante – bien aidée par une vie d’étudiant Erasmus imprégnée de bourrage de crâne scolaire et de soirées aux vapeurs prohibées 🍺.

C'est ce qui m’a en quelque sorte poussé à écrire mes premières pages, sur des feuilles A4 volantes.

Mon tout premier mot, écrit en majuscule : POURQUOI ?  Tout sauf un hasard 😉

Mes premiers écrits en 2004

Extraits choisis (et légèrement remaniés) :

« Pourquoi donc me mettre à écrire ? Une question plus appropriée serait pourquoi maintenant ? Cela fait à peu près 1 an et demi que j’y pense à intervalle régulier. Remarque importante : je suis en train d’écouter l’album « No need to argue » des Cranberries et c’est tout sauf un hasard. Je ne sais pas si vous pouvez comprendre ça, mais cet album m’a littéralement poussé à écrire !!  [..]
C’est un peu comme si la voix de la chanteuse du groupe était une sorte de signal, de porte d’entrée dans ma réflexion personnelle. Elle m’oblige en quelque sorte à réfléchir, à penser à la vie, à la mort, à la joie et au bonheur, à la tristesse et au malheur, au pourquoi du comment, bref aux choses essentielles de la vie. Et quand la musique s’arrête, je me dis que ce serait vraiment con de laisser toute cette réflexion partir en fumée dans les catacombes de ma mauvaise mémoire !  
[..]
Comme on dit avec mon frère : « Dans la vie, un jour ou l’autre, il faut percuter ! » C’est-à-dire ouvrir les yeux, élargir sa réflexion et savoir comprendre et relativiser les choses. Je ne compte pas faire du misérabilisme, mais quand on sait que plus d’un 1/5ème de la planète n’a pas accès à l’eau potable et ne mange pas toujours à sa faim, il faut savoir relativiser nos situations. La vie est belle et il faut en profiter, car elle est trop courte pour la gâcher bêtement. La mort fait partie de la vie. Telle une épée de Damoclès qui attend au-dessus de nos têtes et peut surgir à tout moment : demain, dans un mois ou dans 50 ans, on ne sait jamais. Et c’est pour ça qu’il faut en profiter »

Pas trop mal pour un gamin de 20 ans un peu introverti et mal dans sa peau !

C’est intéressant de voir que mes premiers écrits qui datent d’il y a bientôt 15 ans traduisent une pensée assez proche de celle qui est encore la mienne aujourd’hui.

// Pourquoi et comment se mettre à écrire ?

Alors si toi, qui vient d’avoir le courage de me lire jusqu’ici, tu envisages aussi de te mettre à écrire, mais que tu crains le fameux syndrome de la page blanche et que tu ne sais pas par quoi commencer, voilà un premier conseil :
si comme moi la musique te transporte, lance une chanson qui te touche et te fait partir dans tes réflexions, puis immédiatement après, écris ce que tu as en tête.

Prends une feuille et un stylo ou bien ouvre un doc sur ton ordi et lance-toi. Écris vite et sans tenir compte de la mise en forme, tu pourras toujours y revenir plus tard 😉

Si la musique ne marche pas pour toi, essaye simplement de te souvenir d’un moment marquant de ta vie :

  • une personne à qui tu aurais voulu dire quelque chose sans pouvoir le faire
  • une discussion où tu t’es dit que tu aimerais mieux connaître le sujet pour pouvoir approfondir le débat
  • un choix important qui s’annonce mais pour lequel tu ne sais pas comment t’y prendre
  • L'envie de fair un vrai bilan de l'année passée

Écrire est un moyen de clarifier ses pensées et de mieux comprendre le monde qui nous entoure. C'est aussi une compétence qui peut s'avérer très utile au niveau professionnel ou à des moments clés de sa vie.

Autant de bonnes raisons d’écrire.

De s’écrire à soi-même.

De s’écrire, en tant que personne.

Il existe de nombreuses formes d’écriture : écrire pour soi (journal intime, bilan personnel …), écrire aux autres de manière publique (livre, blog, message d’opinion sur les réseaux sociaux) ou de manière privée (emails, lettres et autres cartes postales).

Toutes ont leurs spécificités, mais toutes apportent un certain bénéfice à travers le processus même de l’écriture que nous avons vu plus haut.

Credits: @PatrickFore on Unsplash

Cela permet entre autres de « vider son sac ». En couchant tes idées et pensées sur le papier, tu libères ton cerveau – au moins temporairement – et tu gagnes en attention sur ce qui compte réellement : le présent, ici et maintenant.

“Écrivez ! Noircir le papier est idéal pour s’éclaircir l’esprit. “
Aldous Huxley

// Ecrire le livre de sa vie

Je discute régulièrement avec des personnes de ma génération (les fameux “millenials” de la génération Y) à propos de questions de fond, sur lesquelles on trouve rarement des réponses simples et immédiates.

On a malheureusement souvent tendance à replonger dans le tourbillon de la matrice sans avoir noté par écrit les questionnements, les envies et les doutes, les débuts de réflexions et de solutions qui se profilent.

Du coup tout ça part souvent en fumée après quelques semaines ...

C'est un peu comme si, après s'être arrêté au 1er chapitre d'un bouquin, il fallait en permanence repartir de la 1ère page à chaque fois qu'on le reprend !!

J'aime d'ailleurs beaucoup cette métaphore qui consiste à voir sa vie comme un bouquin : une belle histoire avec de nombreux chapitres, des personnages hauts en couleurs, une intrigue passionnante.

Mais une question existentielle se pose alors :

Si ta vie est un livre, n'as-tu pas envie d'en être l'auteur !?

Plutôt que de parcourir passivement le feuilleton de sa vie, prenons la plume et devenons maitre du cours de notre histoire ! Au sens propre comme au sens figuré.

Alors certes, l’écriture ne convient peut-être pas à tout le monde. Mais je suis persuadé que pour beaucoup elle pourrait être un chemin très utile.

Car quelque part, écrire, c’est déjà un peu mieux se connaître.

Pour conclure je te laisse avec cette citation de George Orwell, qui dit si bien les choses :

” Si les gens ne savent pas bien écrire, ils ne sauront pas bien penser, et s’ils ne savent pas bien penser, d’autres penseront à leur place. »

Et toi, tu écris un peu aussi ?

Et si, pour ne pas rester dans la consommation passive de cet essai, tu m’écrivais quelque chose pour me dire ce que tu en penses ?